Mgr Laurent Dabiré, évêque de Dori : « Les terroristes tirent sur la corde religieuse et ethnique »

Publié le mardi 21 mai 2019 à 22h08min

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Mgr Laurent Dabiré, évêque de Dori : « Les terroristes tirent sur la corde religieuse et ethnique »

À la tête du diocèse de Dori depuis six ans, Mgr Laurent Dabiré vit quotidiennement l’insécurité qui mine la région du Sahel. Son équipe cléricale est repartie dans toutes les provinces de la région. Face aux attaques permanentes, il a réduit les activités pastorales de ses prêtres et mis à l’abri des catéchistes et certaines communautés religieuses. Toutefois, l’évêque dit compter sur la providence divine pour accomplir ses charges pastorales et sociales, dans une région sous menace sécuritaire.

Mgr Laurent Dabiré n’est plus à présenter dans la région du Sahel. Évêque de Dori depuis six ans, il allie quotidiennement la pastorale aux activités sociales, au bénéfice de la population. Membre du l’Union fraternelle et des croyants de Dori (UFC-Dori), une association œcuménique de la localité, Mgr Dabiré milite pour la cohabitation interreligieuse.

Alors que son diocèse est en proie aux attaques terroristes, l’homme de Dieu rassure que « Dori va bien, même s’il y a la peur ». L’évêque a vécu les débuts de cette situation d’insécurité, et il garde en mémoire des récits datés de tous les évènements malheureux.

Les attaques ciblant les apatrides, les symboles de l’État, les musulmans et les non-musulmans ; les enlèvements, les poses de mines, les attaques intercommunautaires… tous ces évènements, Mgr Laurent Dabiré les a vécus, tout comme ses pasteurs répartis dans tous les quatre coins du Sahel, et qui lui rendent compte quotidiennement. Cette situation a obligé l’évêque à mettre à l’abri des catéchistes et certaines communautés religieuses, qui pourraient être victimes d’attaques.

Pour Laurent Dabiré, ce qui rend la tâche difficile, « c’est l’absence d’interlocuteur pouvant permettre d’échanger pour trouver des solutions ». Car, dit-il, « si on vit ensemble, on peut toujours faire des concessions ». Il regrette donc le fait que les attaques ciblent « de pauvres populations », jusqu’au « massacre de populations en procession religieuse ou dans une église ». Laurent Dabiré dit ne pas comprendre le mobile de « ces gens qui auraient pu privilégier le dialogue comme des hommes de bon sens ».

L’évêque de Dori bat en brèche l’idée selon laquelle il y a des problèmes de cohabitation interreligieuse dans certaines localités du Burkina Faso sous attaque terroriste. Ce dont il est certain, c’est que les terroristes tirent actuellement sur la corde religieuse et sur la corde ethnique. « Une question sensible et difficile à manœuvrer », dit-il. Pour lui, il revient aux Burkinabè de répondre à la question suivante : « Est-ce que nous voulons être opposés sur le critère identitaire, ethnique ou religieux ; ou bien nous voulons être des citoyens d’un même pays malgré nos diversités culturelles, religieuses, régionales ? ».

Tout le pays doit répondre en affirmant clairement que nous sommes unis et indivisibles. Dans le cas contraire, « nous avons des jours sombres devant nous ». Il continue : « Je ne crois pas qu’il y ait des crises identitaires au Burkina Faso. Il n’y a que des agresseurs qui tirent sur ces deux cordes (…), parce que cela fait partie de la stratégie des agresseurs ».

Et cette stratégie, Mgr Laurent Dabiré la présente ainsi : « Quand vous voulez vaincre une personne, vous cherchez là où c’est fragile (…) : les diversités ethniques, religieuses et culturelles ».
Pour sortir de cette crise, Mgr Dabiré appelle à la responsabilité de tous. Pour lui, « chacun sait ce qu’il peut et doit faire afin que la situation s’améliore ». Il estime que là où il y a des foyers de radicalisation et d’intolérance, « il faut un suivi et un accompagnement par des opportunités d’intégration ».

Même s’il a été contraint par l’insécurité de réduire les activités sociales de l’OCADES Caritas, d’inviter les enseignants à la prudence et de suspendre les activités pastorales des prêtres, Mgr Laurent Dabiré dit avoir gardé un service minimum au profit des populations qui en ont besoin. En bon pasteur, il invite ceux qui le peuvent à accentuer les actions de piété et de solidarité au profit des déplacés. L’évêque de Dori pense que les « plaintes et les critiques, à elles seules, ne peuvent pas apporter un changement ».

Edouard K. Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net

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