Violence faite aux filles : Une audience foraine à but pédagogique à Gorom-Gorom

Publié le mardi 14 novembre 2017 à 13h14min

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Violence faite aux filles : Une audience foraine à but pédagogique à Gorom-Gorom

L’hôtel de ville de Gorom-Gorom, province de l’Oudalan (région du Sahel), a servi de cadre pour la tenue de l’audience foraine du Tribunal de grande instance de Dori, ce mardi 7 novembre 2017. Deux affaires ont été jugées et des peines prononcées, cela grâce au concours de l’ONG Mwangaza Action financée par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)

La violence faite aux filles et aux femmes est une triste réalité au pays des Hommes intègres. Un peu partout sur le territoire, des personnes subissent dans la douleur et le silence absolu toutes les formes de violence, que ce soit physique ou morale (menace, viole, mariage forcé, déscolarisation…). Les jeunes filles de la région du Sahel connaissent également ces souffrances physiques, sexuelles, psychologiques, morales, économiques et culturelles. Pour celles dont les cas sont connus, les victimes sont souvent assistées par les services sociaux de base comme l’Etat (service de l’Action sociale) ou par des organismes non étatiques à l’image de l’ONG Mwangaza Action qui grâce au financement du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), œuvre à éradiquer ces pratiques. Quelquefois, une assistance psycho-sociale et même judiciaire est accordée à la victime lorsque les faits sont suffisamment graves, d’où la ténue de cette audience foraine.

Virginité perdue par un viol

Le premier dossier qui est passé en jugement a concerné un cas de viol sur mineur de 14 ans. Le sieur MT adulte de son état a eu des rapports sexuels avec RO, âgée d’à peine 14 ans, sans son consentement. Même si consentement il y’avait, comme a tenté de plaider l’accusé, le ministère public a rappelé qu’au vue de la loi, le consentement d’une mineure ne saurait être valable, surtout dans ces circonstances. Pire encore, lors de l’acte sexuel, la victime saignait et déféquait à la fois. RO qui n’avait jamais entretenue de relations sexuelles, venait simplement de subir un viol. Pour MT ce n’est qu’au « premier coup » que RO se tordait de douleur, sinon elle était aux anges après. Visiblement ni le parquet encore moins le Président du Tribunal de grande instance de Dori n’a été convaincu par l’accusé. Conformément à la loi 061-2015/CNT du 6 septembre 2015 portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes, MT a été condamné à 48 mois de prison ferme (4 ans).

Le second dossier qui est passé en jugement, quant à lui, a fait rire plus d’un dans la salle d’audience. Devant les juges YG et son frère TG, accusés d’enlèvement et de complicité d’enlèvement sur la personne de AY, jeune fille âgée de 16 ans. Des faits, il ressort que les co-accusés ont enlevé la victime à quatre reprise pour en faire leur femme alors qu’elle est mineure. Pour mettre sa fille à l’abri des ravisseurs, après le troisième enlèvement, le père de AY a décidé de la transférer de Mani à Essakane, chez son fils (le frère de la victime). C’est en ce lieu qu’est intervenu le quatrième enlèvement qui a conduit à la plainte de la famille, objet de l’incarcération de YG et TG. Mais selon la victime AY, il n’y a jamais eu d’enlèvement. Au contraire, toutes les fois, c’est de son plein gré qu’elle a rejoint son amant dans le village de Taparko. Donc l’enlèvement n’est qu’une pure invention de ses parents pour la séparer de son amour.

Fuir le mariage forcé

Louis Eugène Hyen (milieu), président du TGI de Dori

Pour rejoindre son amant, elle a dû marcher d’Essakane à Taparko, soit plus de 100 km. Par téléphone elle a pu joindre ce dernier qui est venu la chercher. Ce qui corrobore les faits relatés par YG pendant l’enquête préliminaire, qui a juré n’avoir jamais enlevé ni séquestré AY. Ayant déjà fait un séjour à la brigade de Gendarmerie de Mani sur une plainte des parents de la victime, il a reconnu être venu la chercher et conduite directement à ladite brigade. Cela pour prévenir les problèmes. Pendant trois mois, la victime resta chez son amant et avoue que sa seule inquiétude était que ses parents viennent la chercher encore. En réalité cette dernière fuyait un mariage forcé en gestation, car promise en mariage à un autre homme qu’elle n’aimait pas.

Après avoir longuement écouté les plaignants, la victime et les coaccusés, Issouf Ouédraogo, substitut du Procureur du Faso, près du TGI de Dori a requis la relaxe pure et simple de YG et de TG pour infraction non constituée. Il n’a pas manqué de mettre en garde les parents de la fille de vouloir la donner de force à un homme qu’elle ne veut pas, surtout à cet âge. Les faits étant sacrés en droit, le président du TGI de Dori a décidé de la relaxe des deux co-accusés pour infraction non constituée. Une décision qui a soulagé ces derniers après un séjour à la Maison d’arrêt et de correction de Dori.

Selon Louis Eugène Hyen, président du TGI de Dori, dans la région du Sahel, l’éducation des filles n’est pas une priorité pour certains parents si fait que de nombreuses filles sont arrachées des bancs et le plus souvent mariées de force alors que la loi interdit cela. Il n’a pas manqué de remercier l’ONG Mwangaza Action qui sensibilise pour l’abandon de ces mauvaises pratiques et qui a tenu accompagner l’institution judiciaire pour une audience pédagogique et de sensibilisation par rapport à ces faits qui sont récurrents.

Marcus Kouaman
Lefaso.net

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