Commune de Gorom-Gorom : La patente d’Essakane convoitée par les communes de Falagountou et Markoye

Publié le lundi 4 septembre 2017 à 10h47min

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Commune de Gorom-Gorom : La patente d’Essakane convoitée par les communes de Falagountou et Markoye

C’est le point qui aura le plus fait parler les conseillers et le plus fait durer la deuxième session du conseil municipal de Gorom-Gorom tenue les 29 et 30 aout derniers : l’examen du compte rendu de la rencontre d’échanges sur la répartition géographique du permis d’exploitation de la mine Essakane S.A, tenue à Dori le 24 août 2017 sous l’égide du Gouverneur de la région du Sahel. Une répartition géographique qui aujourd’hui oppose trois communes en l’occurrence Falagountou, Markoye et Gorom-Gorom.

« Il n’y aura point de partage équitable de la patente d’Essakane entre les trois communes Gorom-Gorom, Falagountou, Markoye ». C’est ce qu’a décidé le conseil municipal de la commune de Gorom-Gorom au cours de sa deuxième session extraordinaire tenue les mardi 29 et mercredi 30 aout. Les conseillers municipaux de ladite commune se sont insurgés contre l’idée du partage équitable de la patente d’Essakane I AM GOLD avec les deux autres communes dont les maires tenteraient d’user de ‘’leur poids’’ pour en avoir une part égale avec la commune de Gorom-Gorom.

Ibrahim Ag Attahir, maire de la commune de Gorom-Gorom

En effet selon l’exposé fait par le maire de la commune de Gorom-Gorom sur le compte rendu de la rencontre d’échanges sur la répartition géographique du permis d’exploitation de la mine Essakane S.A, tenue à Dori le 24 août 2017 sous l’égide du Gouverneur de la région du Sahel, ce dernier aurait proposé une répartition en parts égales de la patente de la mine entre les trois communes opposées suite aux points de vue divergents entre les différends maires sur la localisation de la mine. « Nous n’avons pas trouvé un terrain d’entente sur la répartition de la patente parce qu’il ressort qu’on ne sait pas où est situé exactement Esskane I AM GOLD ; si c’est à Falagontou ou Gorom-Gorom » a expliqué le maire Ibrahim Ag Attahir soumettant le problème à l’appréciation du conseil municipal.

« A ce que je sache la patente est un impôt local et non régional. Je souhaite que la situation géographique des infrastructures de la mine soit faite par l’administration territoriale et que nous puissions être situés. Je suis favorable que la mine profite à l’ensemble de la région et surtout à toutes les communes riveraines. Je suis étonné que toutes les communes ne soient pas associées aux échanges », a expliqué le premier responsable de la commune de Gorom-Gorom, Ibrahim Ag Attahir.

Inoussi Maïga, conseiller municipal (MPP)

Impôt local qui doit profiter à la collectivité abritant le siège de l’entreprise sur laquelle l’impôt est prélevé, la patente est selon le conseiller municipal Inoussi Maïga, subdivisée en deux parties à savoir le droit fixe qui est indexé sur le chiffre d’affaires et le droit proportionnel sur les mobilisations. La mine Essakane étant visiblement implantée dans la commune de Gorom-Gorom au regard de la carte de localisation des permis d’exploitation, le conseil municipal rejette purement et simplement toute idée de partage équitable avec les communes de Falagountou et de Markoye de cet impôt local qui doit être perçu dans les prochains jours.

Le conseil municipal de Gorom-Gorom qui voit en la décision du gouverneur une politisation de l’affaire, les conseillers municipaux ont tout naturellement dans leur intervention sur la question développé un argumentaire défavorable à la répartition égale de la patente et ce d’autant plus que la commune de Gorom-Gorom compte à elle seule 82 villages et 52 secteurs comparativement aux deux autres communes réunies qui comptent 35 villages (8 villages pour Falagountou et 27 villages pour Markoye) et dont les maires ‘’tenteraient d’user de leurs accointances politiques pour un partage équitable du gâteau tant convoité’’ selon les propos d’un conseiller.

« Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès »

Maïga Ali, conseiller municipal (NAFA) tenant le micro

Face à cette situation que les conseillers municipaux de Gorom-Gorom qualifient ‘’d’injuste’’ ils réaffirment leur détermination à aller jusqu’au bout de la lutte afin de défendre les intérêts de leurs populations. « La localisation de la mine est bien cernée, c’est bien connu. Ce n’est pas parce que c’est une question d’argent que les responsables de la région vont dire qu’ils ne savent pas où se situe Essakane. Si c’était entre nous et le Niger, on n’allait jamais dire qu’on ne sait pas où ça se situe. Tout le monde sait que Essakane n’a jamais intéressé Falagountou si ce n’est à cause de la seconde fosse. On ne peut pas rejeter en bloc l’idée de partage, mais il faut au moins une certaine équité. On ne peut pas donner le même montant à une vingtaine de villages ou à une dizaine de villages et donner le même montant à près de cent villages » a défendu le conseiller municipal Maïga Ali de la NAFA.

En effet, une deuxième fosse de la mine est implantée, au regard de la carte cadastrale, dans un quartier de Falagountou.

Hamidou Ag Mohamed, conseiller municipal UPC

Le conseiller municipal Hamidou, prenant la parole a appelé les trois communes au dialogue dans l’intérêt des populations. « Entre nous on doit laisser tomber certains côtés et s’assoir discuter. On peut s’entendre. Falangountou, Markoye, Gorom, c’est nous qui sommes ensemble et c’est nous qui demeurons ensemble donc on peut s’assoir et faire notre partage, voir la proportion des choses. C’est vrai qu’on ne peut pas faire à parts égales mais on peut s’entendre. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » a-t-il conclu reprenant les propos du conseiller Inoussi Maïga.

« Cette question de patente est drôle pour moi puisque Essakane existe depuis 1985 mais jamais le problème de l’appartenance d’Essakane ne s’est posé malgré le fait que plusieurs projets s’y sont succédé et tous les sous revenaient à Gorom-Gorom. Les sous n’ont jamais été partagés entre Falagountou et Gorom. Et même si aujourd’hui à cause de la carte superficielle qui dit qu’il y a une part entre Falagountou, Markoye et Gorom, on sait au moins que la mine est installée dans la province de l’Oudalan dont le chef-lieu est Gorom-Gorom. Donc nous dire de partager à parts égales c’est nous faire la force ». A expliqué un autre conseiller pour qui c’est la carte cadastrale qui a été mal faite et donc serait à l’origine du problème.

Selon le conseiller Hamidou Ag Mohamed de l’UPC, ce n’est pas l’appartenance d’Essakane qui pose problème mais plutôt les installations de la mine pour lesquelles on doit percevoir l’impôt. Pour lui c’est un problème administratif, car les installations de la mine sont faites dans un quartier de Glouglountou qui, administrativement appartient à l’Oudalan mais dont les populations se sont déplacées et installées depuis le temps de la révolution dans le département de Falagountou dans la province de Séno. « Notre erreur c’est de n’avoir pas commencé dès le départ à chercher la délimitation claire de Glougountou » a-t-il indiqué poursuivant son explication.

Un avis du reste partagé par le conseiller Inoussi Maïga pour qui la commune de Gorom-Gorom s’y est prise trop tard. « Quand le problème avait commencé, il fallait chercher effectivement la délimitation de Glouglountou. Actuellement le mal est là et on devrait plutôt chercher à voir une solution ». Et cette solution, selon lui, doit passer par une étude afin de tenir compte des réalités des trois communes dans le partage de l’impôt.

Le premier adjoint au maire de la commune de Gorom-Gorom a invité le maire à être le porte-parole du conseil municipal auprès du gouverneur de la région. « Nous voulons que le maire porte notre voix à monsieur le gouverneur pour dire que sa proposition est rejetée par le conseil municipal. Comment peut-on donner un sac de riz à une famille de 100 personnes et un autre sac de riz à une famille de 02 personnes de se nourrir ? » s’est-il interrogé.

Réactions des maires de Falagountou et Markoye joints au téléphone

Maïga Ali, conseiller municipal (NAFA)

Le maire de Falagountou que nous avons joint au téléphone pour avoir son avis sur la question est catégorique. Le partage s’impose parce que la mine est à cheval sur les trois communes, Falagountou, Markoye et Gorom-Gorom. « J’ai accepté le partage équitable mais en réalité cela me défavorise parce que plus 90% de la mine est géré par la fosse de Falagountou » a-t-il laissé entendre. Pour l’ancien ministre de l’environnement sous le régime de la transition, Seydou Maïga, les installations de la mine sont faites dans deux villages de la commune de Falagountou à savoir Bounia et Tutklawel.

« J’ai été le premier à demander la mise en place d’une commission ad hoc qui allait se déplacer pour venir faire une délimitation claire et nette de la zone d’installation de la mine » a souligné l’ancien ministre aujourd’hui maire de Falagountou.

Vue de la localisation des installations de la mine sur la carte cadastrale

Le maire de Markoye est quant à lui également favorable à une répartition équitable mais semble du moins disposé pour un bon arrangement. « J’avais proposé en tant que doyen que Gorom-Gorom prenne 40%, 35% pour Falagountou et 25% pour Markoye. Mais on ne s’était pas entendu. Markoye a sa part dans la patente pour deux raisons. Sur le plan administratif les installations de la mine sont faites dans la province de l’Oudalan dans laquelle se trouve Markoye et Gorom-Gorom et touchent six villages. Et sur le plan coutumier les six villages concernés par la mine sont coutumièrement gouvernés par le chef de Markoye ; donc ces villages répondent coutumièrement de Markoye » soutient le maire de Markoye pour justifier le partage de l’impôt local.

Et si les trois communes décidaient de faire une répartition proportionnelle…

Localisation de la mine Essakane

Pour le maire de Gorom-Gorom, il faut un minimum d’équité dans le partage. « Je pense que la répartition proportionnelle est la meilleure mais la répartition égalitaire vraiment … vous-même vous avez vu le conseil était déçu de cette situation. La proposition que j’ai faite ce jour au gouverneur est que 90% de la patente va revenir à Gorom parce qu’il y a la taxe superficielle qui devrait être repartie de façon proportionnelle mais, qui, actuellement est repartie de façon égalitaire entre Markoye, Falagountou et Gorom-Gorom. Je n’ai pas de problème pour ça. Il y a également le fonds minier de développement qui vient et qui sera reparti de façon égalitaire.

Mais pour la patente, hier je n’étais pas d’accord, aujourd’hui je suis d’accord et demain je ne serai pas d’accord pour qu’on en fasse une répartition égalitaire. Nous sommes dans un État de droit. Aujourd’hui lorsque Markoye va commencer à percevoir la patente de Tambao (mine d’exploitation du Maganèse), elle ne va pas partager ; donc je vais défendre ce qui revient de droit à ma commune » a martelé le maire Ibrahim Ag Attahir, géographe de formation.

Certes, toutes les communes doivent être développées au grand bonheur des populations. Mais encore faut-il que ce développement se fasse dans le respect et la solidarité entre communes de la même région. Et au regard de certaines considérations ressorties plus haut, un minimum d’équité devra être observé par les différentes parties afin de tenir compte des réalités des trois communes dans le partage qui s’il est fait de façon proportionnelle faciliterait une sortie de crise entre les trois communes visiblement embarquées dans un conflit à la fois administratif et coutumier.

Maxime Jean-Eudes BAMBARA (Stagiaire)
Lefaso.net

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